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La régulation des conflits et la non-violence psychologique
Auteur : Dr Emmanuel Escard
“Puisque la guerre commence dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut construire les défenses de la paix”. Préambule de la Constitution de l’UNESCO, novembre 1945.
La description détaillée par notre glossaire du vocabulaire et de mécanismes des violences psychologiques conjugales nous fait poser la question de la prévention de ces violences, notamment lorsqu’on reçoit les personnes victimes, auteurs, ou les couples concernés. Si l’on se réfère au concept de culture de paix de l’ONU, celui-ci se rapporte à l’ensemble des valeurs, attitudes, traditions, comportements, modes de vie fondés sur le respect de la vie, le rejet de la violence, la promotion et la pratique de la non-violence et l’engagement de régler pacifiquement les conflits. On ne peut que l’encourager à un niveau conjugal. Le conflit fait partie de la vie en société mais aussi en couple. Vivre ensemble, cela s’apprend… C’est un processus complexe qui met en jeu des besoins non satisfaits, des valeurs non respectées, des intérêts non reconnus. Sortir du conflit de façon non-violente, c’est souvent plus long que la violence et cela demande des efforts. La non-violence psychologique implique des exigences de vérité, de sortir de la passivité, de pouvoir respecter (étymologiquement “regarder”) l’autre, c’est-à-dire de comprendre ses forces et faiblesses, ses erreurs, ses besoins. Il s’agit d’envisager l’autre comme personne pouvant être à la fois fragile, crédible et capable d’évolution. Cela implique pour les protagonistes de déjà se respecter eux-mêmes, en se portant un regard honnête, humble et confiant.
Le rôle des professionnel-le-s pourra être de donner des pistes pour apaiser les tensions, repérer les éléments déclencheurs de crises et les contentieux, désamorcer une spirale mimétique et contenir les débordements émotionnels. La paix n’est pas l’absence de conflit, mais un contrat de transformation des interactions conflictuelles en relation de coopération avec un accord protecteur. Le livre cité par le MAN-IFMAN propose de travailler avec les patients avec l’application d’une règle des 5C : communication – compréhension – coopération – créativité – confiance. Il faut pouvoir distinguer dans les avancées un compromis par rapport à une compromission, une acceptation par rapport à une soumission, un retrait par rapport à une démission. Priorité doit être donnée à la relation plutôt qu’à l’objet du conflit, avec un point de vue souvent incontournable qui est celui de la Loi et de la responsabilité de chacun-e dans le conflit, et de l’auteur-e dans les violences agies. Le rétablissement d’une bonne communication, l’émergence de propositions et de décisions de qualité sont des objectifs. L’antidote de la peur, de la victimisation et du manque d’autonomie, c’est la confiance qui se construit et se cultive.
La non-violence psychologique ne s’apprend pas dans les manuels, elle se vit. Il faut insister sur le développement à tout âge des compétences psychosociales favorables à la gestion non-violente des relations et conflits, au bien vivre ensemble. Lorsque le respect interpersonnel et des différences est bien établi, il est alors plus facile d’élargir la notion de respect de la loi, des règles sociales, de l’environnement, de la vie tout court…
Nous pouvons qu’appeler à développer des programmes de formation à la détection et à la prévention des violences psychologiques conjugales. Comme il existe des techniques dans l’art de la guerre, il faut donc connaître les différents types de violences psychologiques dans le couple et les ruses sous-jacentes, pour pouvoir proposer des solutions de résolution pacifique des violences, sans viser à éradiquer tout conflit, et en tenant compte des particularités de chaque couple et de l’évolution de la société (p.ex pour les cyberviolences). Des recherches locales et francophones sont à développer dans le domaine que les Anglo-Saxons appellent les “Peace and conflict studies in intimate partner relationships”, et le “peacebuilding process”. Cette approche reconnue est complémentaire de celle de santé publique et de celle du “care” (de la médecine globale).
Références :
- Roussel V. 100 questions-réponses pour éduquer à la non-violence. Chronique sociale, Lyon, 2011.
- Pour réguler les conflits : la non-violence. MAN-IFMAN, Chronique sociale, Lyon, 2018.
- Lee BX. Violence : an interdisciplinary approach to causes, consequences, and cures. Ed. Wiley Blackwell, 2019. Chap. 14 : Nonviolence approaches, p.268-286.
