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Punitions corporelles des enfants et santé publique : que nous dit la recherche ?

Auteur : Dr Emmanuel ESCARD

L’Alliance mondiale de prévention des violences (OMS) a mis à l’ordre du jour comme priorité la lutte contre les punitions corporelles (PC) des enfants. Dans ce cadre, des formations aux professionnel-le-s concerné-e-s sont proposées, à l’aide de messages scientifiquement validés.

Un article publié dans la revue The Lancet et un document de synthèse de 35 pages du « Global Partnership to End Violence Against Children »  viennent préciser en 2021 les connaissances sur ce thème et les recommandations aux professionnel-le-s.

Cette dernière analyse de 250 études sur 50 ans retient que les PC causent de nombreux préjudices souvent durables aux enfants, adultes et sociétés, et aucun bénéfice. Elles constituent une violation de leurs droits à la santé, au développement et à l’éducation. Leur interdiction légale est efficace, y compris sur le plan financier.

Dans le monde, cette pratique est très fréquente que ce soit au sein des familles ou à l’école, 4 enfants sur 5 seraient concernés dans le dernier mois, 17% avec des formes physiques plus sévères. Les enfants les plus jeunes et les enfants en situation de handicap sont les plus atteints.

Il est avéré que les formes mineures sont à haut risque d’escalade, d’où l’utilité de les sanctionner.

La pandémie de COVID-19 a accru le risque pour les enfants d’être victimes de violence et a ralenti les efforts financiers mis dans la prévention et les prises en charge. 

Ces violences ont des conséquences importantes sur la santé globale des enfants, sur la relation parents/enfants et sur les futurs comportements des enfants (notamment les comportements criminels ou anti-sociaux). Elles cohabitent fréquemment avec des violences conjugales chez les parents et favorisent des violences conjugales ultérieures chez les victimes. 

Les PC sont une (mauvaise) manière de résoudre les problèmes et elles empêchent d’apprendre des capacités de non-violence, une gestion saine de la colère p.ex.

Elles sont sources de milliers de morts d’enfants dans le monde et elles sont souvent associées aux violences physiques domestiques.

Elles sont un facteur important de mauvaise santé mentale et physique des enfants et des adultes, d’autant plus que les PC ont été régulières (au moins 1 fois par mois). Cela est aussi valable si les parents sont soutenants, aimants (« loving context »), certaines études révélant même que les effets peuvent être plus graves dans ce contexte où l’enfant va plus s’auto-accuser, être confus, souffrir de cette injustice.

Des atteintes au niveau du développement cérébral, cognitif et socio-émotionnel ont été constatées.  

Une plus grande prévalence des affections ou comportements suivants a été observée : anxiété, dépression, consommation d’alcool, tentatives de suicide, conduites à risque, retard scolaire avec plus faible QI, école buissonnière, accidents, asthme, maladies cardio-vasculaires, arthrites, obésité, migraines, certains cancers…

Les PC surajoutées à l’école viennent aggraver les conséquences, surtout en milieu rural. Les enfants ne vont parfois plus aller à l’école à cause de cela, et pourront sombrer dans le trafic humain, la prostitution, être enrôlés comme soldats ou devenir des victimes de mariages forcés. 

La lutte contre les PC nécessitent de bien connaître les nombreux mythes qui les entourent. Il s’agit d’un phénomène universel, inacceptable dans toutes circonstances.

Le rôle de la Loi est fondamental et les effets bénéfiques de l’interdiction pénale spécifique et inconditionnelle ont été prouvés dans les pays précurseurs (p.ex la Suède, la Finlande et l’Allemagne qui les interdisent respectivement depuis 1979, 1983 et 2000). La Suisse reste en retard sur ce sujet (prohibition dans certaines circonstances seulement) alors que l’interdiction totale existe dans 63 pays du monde dont 35 en Europe (en 2021).

Des campagnes de santé publique sont développées et à développer notamment à destination des parents qui majoritairement non pas encore admis les messages. On pourrait citer p.ex la campagne internationale No Hit Zone (Healthy Kids and Safer Communities) partie des USA, l’utilisation de l’outil UNCAT pour le recours à la discipline positive, le passeport « Les dix commandements d’un bon traitement » mis en place au Vénézuela, l’utilisation de matériel promotionnel sur les lois interdisant les PC (Children Equal Protection from Assault, Scotland). 

Bibliographie : 

  • Physical punishment and child outcomes: a narrative review of prospective studies. Lancet 2021 ; 398:355-64.
  • Corporal punishment of children: review of research on its impact and associations. September 2021, Global Partnership to End Violence against Children (www.endcorporalpunishment.org).
  • Jeter les bases pour une enfance sans violence: mettre en pratique l’interdiction des châtiments corporels infligés aux enfants. Guide de mise en oeuvre. Juin 2021. End Violence against Children.
  • INSPIRE. Sept stratégies pour mettre fin à la violence à l’encontre des enfants. OMS, 2017.

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Publié par Sandrine Tinland

Un commentaire

  1. Certains enfants recherchent des limites psychiques ou corporelles que l’on peut leur procurer autrement qu’en leur faisant mal physiquement où psychiquement

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