Un regard plus systémique des médecins de famille serait utile pour prévenir les violences intra-familiales et leurs conséquences
Auteur : Dr Emmanuel Escard
La position de proximité, de premier recours, relationnelle et trans-générationnelle des médecins de famille les place en première ligne comme témoin des (dys-) fonctionnements des couples et familles. Les enquêtes montrent aussi qu’ils sont les prestataires de soins les plus appréciés.
Ils ont un rôle important à jouer pour repérer des conflits voire des violences, et prendre en charge des facteurs de risque de violences agies et /ou subies (consommation d’alcool, dépression, insatisfaction conjugale, précarité…).
Des interventions systémiques brèves ont fait la preuve de leur efficacité. Il existe même des protocoles validés à ce sujet, comme la RRFT (Risk reduction through family therapy), qui est une thérapie psycho-sociale utilisée chez des adolescents ayant été victimes de maltraitances ou d’autres traumatismes dans l’enfance et présentant un PTSD et/ou des abus de toxiques. Cette utilité a été relevée aussi pour d’autres problèmes de santé (traitement des troubles alimentaires, prévention du suicide et dépression, douleurs chroniques, troubles sexuels…), notamment dans une approche intégrative .
En pratique il est fréquent que les couples et familles refusent des prises en charge par des psychiatres ou psychologue systémiciens. Dans quelle mesure les médecins de famille, qui sont les défenseurs de l’approche bio-psycho-sociale, ont-ils un rôle thérapeutique à jouer ? Malheureusement (et paradoxalement) ils sont souvent très peu formés en thérapie de famille « généraliste » et ont souvent peu de temps pour se former à ces méthodes complémentaires (et efficaces) de traitement. Et comment articuler de manière optimale l’approche centrée sur le patient et la prise en compte effective du contexte familial et communautaire ?
L’approche familiale systémique peut clairement enrichir la médecine familiale, en plus des enseignements pré et post-grades déjà donnés en tout cas en Suisse sur la relation humaine, la communication médecin-malade-réseau, la thérapie interpersonnelle. Il s’agit plus de s’intéresser aux interrelations et interactions dans un contexte particulier, avec des conseils applicables, les médecins de famille étant d’abord des femmes et hommes d’action.
Des enseignements systémiques en médecine générale existent dans certains pays (dans le monde francophone la Belgique fait figure d’exemple depuis près de 20 ans), pour faire découvrir ce qui dans la thérapie familiale peut être utilisable par les médecins de famille dans leur pratique de tous les jours en définissant des attitudes de base, tout en connaissant mieux leurs limites (il ne s’agit pas de remplacer les psychothérapeutes). Ils prennent la forme de formations continues pour des médecins de famille ayant déjà une certaine expérience, par exemple une trentaine d’heures/an sur 2 ou 3 ans.
Il est important que les autorités de santé et universitaires puissent encourager ce complément de formation spécifique qui apparaît souvent comme fondamental et incontournable pour les médecins de famille qui ont pu en bénéficier.
En Suisse romande l’offre de formation en thérapie familiale systémique est importante (CAS et DAS, formations proposées par l’IECF, le CERFASY, le CEF etc) mais il n’y a pas de formation structurée spécifiquement adaptée aux médecins de premier recours. A développer…