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Violences psychologiques en couple : mieux les comprendre pour mieux les prendre en charge

Dans le cadre du colloque scientifique co-organisé à Genève par le BPEV (Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences) et l’UIMPV le 28.11.2024 sur les violences psychologiques entre partenaires intimes, nous souhaitions mettre à disposition des résumés des interventions en rapport avec l’activité et la participation de l’UIMPV, avec remerciements à leurs auteur-e-s.

flyer matinée scientifique 28 novembre

Projet de formation et de sensibilisation sur les violences psychologiques entre partenaires intimes : Héritier_Présentation

Investigation des violences psychologiques conjugales à connotation sexuelle (Escard E, Pereira C) :

Elles sont très fréquentes en pratique courante, banalisées et non/peu exprimées spontanément par les victimes. Le fait de les aborder peut permettre de détecter des violences sexuelles plus graves et aussi des violences physiques souvent associées dans ces cas, surtout si des comportements de contrôle sont identifiés. Les effets négatifs sont cumulatifs sur la santé, avec un impact spécifique sur la santé sexuelle et génésique, la vision et l’estime de soi, l’impossibilité de développer des stratégies adaptées. Elle peuvent aboutir à de graves conséquences (viol, exploitation sexuelle, suicide de la victime…).

L’investigation sera possible s’il y a un minimum de consultations, d’alliance thérapeutique, de sécurité et de connaissance du sujet!

Nous avons essayé de décrire différents mécanismes et exemples à partir de nos cas cliniques :

Ordre, p.ex : tu ne discutes pas, tu n’as pas le choix

Insulte, p.ex : salope, sac à foutre, prendre l’autre pour une pute ou une actrice porno

Culpabilisation, mise en compétition, p.ex : les autres le font (sodomie, avec d’autres hommes/femmes…), tu ne veux pas me faire du bien, me calmer

Manipulation, abus de confiance, p.ex : gentil pour faire un massage puis revendique son dû, manœuvres de séduction et flatteries («tu es la plus belle, la meilleure»)

Dévalorisation, dénigrement, attaque, p.ex : toutes des nymphomanes ou simulatrices;  dénigrement sur le physique ou le comportement : «je ne baise pas avec un cadavre… une planche à repasser… tu n’es pas bandante…»

Chantage, menace, p.ex : de la tromper avec une autre en disant qu’elle sera responsable de tout, de ne pas être gentil avec les enfants voire de s’en prendre à sa grande fille, de ne pas lui acheter son cadeau, de diffuser une vidéo d’elle nue à sa famille

Harcèlement sur le passé sexuel, jalousie sexuelle, p.ex : type de rapports, nombre de partenaires et description précise

Pressions psychologiques, p.ex : se plier à tous ses désirs, usure pour avoir gain de cause, pressions à avoir des pratiques sexuelles incohérentes avec l’identité de genre de son/sa partenaire

Colère, emportement, p.ex : dès que le sujet d’un éventuel refus sexuel est abordé

Contrôle, p.ex : à qui tu penses, habits, sacs, lits et draps…

Calomnie, diffamation, p.ex : dénoncer sa frigidité, son absence de libido, son impuissance, ses préférences

Fausses accusations et exagération, p.ex : tu n’as pas envie car tu me trompes, tu es frigide car tu as un sextoy, tu as été « baisée » par 150 hommes

Retrait, délaissement, p.ex : «chauffer» l’autre puis dire avoir du travail, ignorer la sexualité de l’autre «c’est son problème»

Boycott, grève du sexe en représailles, punition

Récompense, conditionnement, infantilisation : p.ex : faire le ménage contre du sexe

Surprise, p.ex : guet-apens, ruse pour arriver à ses fins (faire boire de l’alcool en excès en vue d’un rapport)

Désinformation, négation de la réalité, gaslighting : p.ex persuader que l’acte sexuel non consenti n’est pas un viol

Déshumanisation, domination : p.ex : utiliser l’autre comme un objet sexuel, un être inférieur

Corruption : p.ex : inceste, pédophilie, prostitution justifiée

Cyberviolences conjugales à visée sexuelle : cyber-contrôle : p.ex :  interdiction de communiquer avec certaines personnes; cyber-harcèlement, cyber-surveillance : p.ex : contrôle des déplacements et relations sociales, mise en place de caméras; cyber-violences économiques : p.ex. ne pas donner d’argent ou empêcher de travailler pour éviter les rencontres avec des hommes; revenge porn, enregistrer, photographier, filmer à l’insu de l’autre : p.ex : pendant le sommeil, dans la douche; cyberviolences via les enfants : p.ex pour obtenir des informations si nouvel homme, s’il embrasse Mme etc.

Coercition sexuelle : mécanisme utilisant la contrainte qui peut se faire via des moyens psychologiques, verbaux ou non verbaux, s’exprimer de façon explicite ou implicite et revêtir un caractère plus insidieux afin d’obtenir un acte sexuel malgré l’absence de consentement libre et éclairé, ou l’expression manifeste d’un refus.

 

Spécificités en fonction des partenaires intimes :

Jeunes : p.ex : fréquence et valeurs des insultes, rôle de la jalousie comme preuve d’amour via les réseaux sociaux («romantic love»), de l’alcool et des autres toxiques, sextapes, loverboy et incitation à la prostitution

Femmes enceintes et post-partum : p.ex : importance de ne pas laisser de marques, attaques sur le physique et l’humeur, menaces d’aller voir ailleurs

Personnes en situation de handicap : p.ex : dénigrement, stigmatisation

Personnes ayant des troubles psychiques et addictifs : p.ex : désinhibition, délire à thématique sexuelle, de jalousie, érotomanie, sadisme sexuel

Personnes LGBTIQA+ : p.ex : menaces de coming-out, stigmatisation, compétition, humiliation, punition en allant avec un-e hétéro

Personnes âgées : p.ex : déni de l’absence de désir et des changements physiques de l’autre

Migrant-e-s : p.ex : normes sociales et culturelles, soumission, traite, mariages forcés, examens génitaux forcés, IVG empêchée

Couples mixtes : p.ex troubles de communication, chantage économique, au permis de séjour, racisme, menace de «jeter» l’autre

Couples séparés ou en voie de séparation : p.ex. perte de contrôle non supportée, risque d’instrumentalisation pour les enfants (fausse accusation d’agression sexuelle), l’argent, nouveaux moyens de surveillance, rapports «d’au revoir» pour bien finir, dénigrement des nouveaux partenaires, souhaiter des violences sexuelles à l’autre…

 

Lors du colloque, il a été discuté des zones grises du consentement qui ne peut être obtenu qu’à certaines conditions (discernement, liberté de choix, non-violence relationnelle) pour qu’il soit éthique.

 

(Re)construire les expériences de violence psychologique à partir des récits des femmes victimes et des pratiques professionnelles (Jaquier Erard V, Schindler M) :

Il a été présenté une synthèse d’une recherche en partie financée par le fondation Oak, avec la collaboration de l’UNINE, la Heds FR, d’UNISANTE et des HUG sur la violence psychologique conjugale. Il s’agissait d’une enquête mixte (en combinant questionnaires et narrations) auprès de 100 femmes victimes en Suisse romande (2019-2020) et d’une enquête qualitative auprès de 70 professionnel-le-s genevois-e-s de la santé, de l’action sociale, de la justice et de la sécurité (2017-2019). L’objectif était de comprendre la violence psychologique au quotidien et ses impacts, et comment elle est définie, considérée et traitée par les professionnel-le-s.

Les violences psychologiques sont le plus souvent associées aux autres violences dans un continuum. Elles sont multiformes, insidieuses et délétères. Les expériences des victimes montrent qu’elles en prennent conscience tardivement, souvent dans le regard des autres et par des conséquences déjà avancées. Ces violences sont tellement personnalisées et dans un contexte global de contrôle qu’elles peuvent apparaître comme inaperçues aux proches et aux professionnel-le-s. Les impacts sont variés sur la santé, les émotions et les cognitions et vont aggraver les victimisations par l’auteur des violences (par exemple par l’altération de l’estime de soi, la honte, la peur).

La recherche d’aide est un processus non linéaire, alors que la victime a déjà utilisé beaucoup de stratégies pour calmer le jeu, éviter les conflits et résister. L’aide par les professionnel-le-s sera d’autant plus adaptée que la victime aura eu un espace suffisant pour raconter les faits afin de se faire comprendre et de pouvoir avoir des solutions pour se protéger. Il est important de tenir compte dans la prise en charge des récits institutionnels de la victime, son parcours n’étant pas sans embûches.

Les professionnel-le-s de terrain doivent être formé-e-s, connaître leur légitimité et capacité d’action, mais aussi leurs limites. L’accompagnement pour une reconnaissance va être difficile, avec les enjeux pour apporter des preuves lorsque le droit peut s’en mêler dans certaines situations seulement.

 

Une communication sera faite en 2025 sur les enquêtes effectuées et leurs résultats, dans différents médias, avec accès libre au rapport final de la recherche.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Publié par Sandrine Tinland

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