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Les violences envers les patientes durant le suivi gynécologique et obstétrical

Auteur : Dr E. Escard

La possibilité que les femmes soient victimes d’actes sexistes et violents lors de leur suivi gynécologique et obstétrical a été rapportée, reconnue et analysée de manière récente en France, alors que des pays en Amérique du sud s’étaient déjà penchés sur le problème dans les années 2000.

En effet, cette pratique médicale expose à des contacts qui ont naturellement une connotation sexuelle, les examens effectués ne sont pas anodins et les sujets intimes évoqués sont très sensibles.

En France, le hashtag «Paye ton utérus » en novembre 2014, puis le scandale des examens gynécologiques sous anesthésie générale par des étudiants en médecine sans consentement préalable des patientes (jusqu’à 1 femme sur 3) révélé à Lyon en 2015, ont permis d’initier tout un mouvement de lanceuses d’alerte et des enquêtes à ce sujet. Celles-ci ont permis d’avoir une idée de la fréquence de ces faits, souvent associés à un défaut d’information sur les actes réalisés (frottis, touchers pelviens, épisiotomie…) ou de prise en charge sans obstacle  des demandes légitimes des patientes (gestion des douleurs, contraception, IVG…). Certaines catégories de femmes sont encore plus touchées (en situation de précarité, lesbiennes, adolescentes…). Des conséquences directes sur la santé physique, psychique et sociale des femmes ont été décrites, avec des difficultés possibles dans le couple et la relation avec l’enfant.

En France, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a édité un rapport complet à ce sujet en juin 2018, classant les actes sexistes en 6 catégories et émettant 26 recommandations selon 3 axes.

Ce rapport rappelle que le sexisme est fréquent dans les facultés de médecine et à l’hôpital, comme l’a relaté le hashtag « Paye ta blouse » en décembre 2016 avec un paternalisme et une culture carabine restant bien ancrés (95% des femmes internes en médecine auraient été victimes de sexisme, 10% de harcèlement sexuel ; jusqu’à 1 étudiante en médecine sur 3 victimes de harcèlement à Lausanne en 2018 selon l’enquête du collectif Clash !).

Les féministes ont bien étudié que le corps des femmes est un enjeu de pouvoir au coeur de la domination masculine, avec un savoir monopolisé par les hommes depuis plus de 50 ans. Elles critiquent également l’hypermédicalisation des accouchements alors que dans 70% des cas ceux-ci sont physiologiques.

Le manque de formation des étudiants à cette question est criant, plus de 80% d’entre eux n’ayant aucune formation sur les violences (et souvent à l’empathie…).

Ce rapport incite à appliquer les normes pour promouvoir un suivi gynécologique et obstétrical respectueux et bientraitant, et à une plus grande application à la reconnaissance et au signalement de ces actes sexistes et violents au sein des établissements et du réseau concerné, avec des sanctions disciplinaires voire pénales à l’égard des auteurs de ces violences (mais les actes sont très souvent difficiles à prouver). D’autre part les règles de bonnes pratiques éditées par l’OMS devraient être appliquées (p.ex. indications strictes des césariennes et épisiotomies, pas d’intérêt d’un frottis chez une adolescente, ni de l’expression abdominale lors de l’accouchement). Tous les actes pratiqués devraient être aussi inscrits au dossier médical.

Il s’agit aussi de permettre un choix éclairé pour toutes les femmes, et leur plus grande implication dans les examens et décisions.

En Suisse, la polémique demeure moins vive. Toutefois, déjà, des solutions sont présentées: un groupe de réflexion engendré par le collectif Feminista! a créé en 2016 le site « Adopte un-e gynéco, une liste de gynécologues safe en Suisse romande », où les femmes peuvent choisir leur gynécologue parmi une liste de praticiens respectueux de leurs patientes…

Référence : Bousquet D., Couraud G., Collet M. Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical. 
Des remarques aux violences, la nécessité de les reconnaître, prévenir et condamner le sexisme. 
Rapport No 2018-06-26-SAN-034 voté le 26 juin 2018. Haut Conseil à l'égalité entre les hommes et les femmes, République française.

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Publié par Sandrine Tinland

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