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Highlight- Les violences sexuelles subies au sein des services hospitaliers en psychiatrie

Résumé : Dr E. Escard.

 

Un article détaillé américain fait le point sur le risque élevé de subir des violences sexuelles en service de psychiatrie pour les patient-e-s par d’autres patient-e-s avec une revue de la littérature depuis 35 ans. Cet article est important car ce champ de recherche est très restreint. De plus, il n’existe hélas pas de documentation statistique, scientifique sur ces patients victimes en Suisse.

Selon la littérature, les adultes ayant un trouble psychique avéré aurait un risque de victimisation sexuelle 2 à 8 fois supérieur à la population générale, les femmes représentent la très grande majorité des victimes et par des hommes. La prévalence des agressions sexuelles serait de 40% chez les patientes suivis en consultation ambulatoire psychiatrique, et lors d’une hospitalisation psychiatrique, entre 5 et 45 % des patientes auraient été agressées pendant un séjour. Dans certains cas, les auteurs des violences sexuelles peuvent être des professionnels et plus rarement les professionnelles en sont les victimes. A ce dernier sujet d’ailleurs, une étude suisse récente sur des infirmières en psychiatrie a révélé que 40 % d’entre elles avaient rapporté des violences sexuelles verbales et 14% des violences sexuelles avec contact dans le dernier mois de leur activité (Schlup N et coll., 2021)!

Il est clair que ces agressions sont très sous-reportées d’abord par les patientes qui ont peur d’en parler mais aussi par les professionnels qui ne les détectent, ne les recherchent pas ou tendent à les cacher ou les minimiser pour éviter les problèmes et complications (avec les familles, la direction, aspects légaux…). Comme en gériatrie, l’abolition partielle ou totale du discernement de l’auteur de violences décourage les victimes et les professionnels de déclencher des procédures longues et compliquées qui risquent de ne pas aboutir à une reconnaissance pleine et entière.

Les difficultés sont que souvent les auteurs et les victimes ont d’importantes vulnérabilités et se retrouvent dans une grande promiscuité, les allégations des victimes peuvent être mises en cause, et l’application du protocole habituel de prise en charge peut être difficile (par exemple victime ayant un retard mental ou des troubles du comportement, en unité carcérale). Quand il y a des mesures de prises, elles sont parfois « à l’amiable », avec le transfert de l’un des 2 dans un autres secteur ce qui ne règle pas le problème d’autant plus que les auteurs sont souvent des multirécidivistes et peuvent être aussi dangereux par rapport à d’autres délits éventuels surtout dans un contexte de psychopathie.

Les violences sexuelles en psychiatrie ont un impact plus grand sur la santé des victimes et leur confiance aux professionnels de la santé qui va pouvoir être altérée si leur aide est faible ou inexistante voire culpabilisante avec une confrontation ou médiation avec l’auteur. Cela va particulièrement pouvoir atteindre leur possibilité d’amélioration, de reconstruction suite aux violences, et ceci comparativement aux violences sexuelles perpétrées dans d’autres contextes. Les études montrent que les victimes écoutent moins les conseils médicaux par la suite, adhèrent moins au suivi ambulatoire et respectent moins les prescriptions. Et bien sûr elles seront plus susceptibles de refuser une future hospitalisation au même endroit ou ailleurs.

Sur les auteurs ou potentiels auteurs de violences sexuelles dans les services de psychiatrie, il y a très peu d’études. Il est reconnu que les psychiatres qui exercent dans ses unités ne sont pas spécialisés à reconnaître de manière approfondie (notamment avec des échelles) le risque de passage à l’acte sexuel. À défaut, les deux critères à retenir sont des antécédents criminels ou des traits antisociaux, et l’existence d’une paraphilie. Dans de plus rares cas, l’agression arrive dans le cadre d’une décompensation psychiatrique, comme un état maniaque, délirant ou démentiel.

 

Il est important que les équipes psychiatriques soient formées à la thématique des violences sexuelles, à un protocole de prise en charge des révélations sans discréditer ou influencer la personne victime dans la première phase de recueil des allégations à cause de ses antécédents, son état préalable, sa réaction. Toute agression sexuelle doit être signalée à la hiérarchie, notamment à la direction, pour prendre des décisions par rapport à un signalement d’une infraction poursuivie d’office. Des établissements ont pu être attaqués pour négligence, parce qu’ils n’ont pas assez protégé soit les victimes, soit les auteurs potentiels par défaut d’évaluation du risque notamment quand ceux-ci sont déjà passés à l’acte sur des patientes et/ou des professionnelles.

Il n’existe aucune étude sur la prévention (notamment primaire) de ces actes en milieu hospitalier. Le bon sens clinique semble primer dans l’évaluation de la probabilité de commettre un acte sexuel, en posant la question systématiquement sur d’éventuels comportements sexuels problématiques et s’ils ont lieu en fonction de l’état psychique de l’auteur ou non. Les patients qui font des commentaires sexuels dans le service doivent être surveillés de plus près. Certains préconisent dès l’admission des patient-e-s de les informer de l’interdiction des comportements sexuels inappropriés et de rappeler leurs droits en cas de victimisation. En cas d’une situation dans un service, un protocole supervisé doit être respecté avec la priorité de la protection des victimes et aux aspects médicaux et médico-légaux, ce  qui implique l’éloignement urgent de l’auteur présumé. En cas d’agression sexuelle, l’équipe doit être également soutenue et il existe des protocoles spécifiques pour les professionnel-le-s victimes ou auteurs présumé-e-s.

Des statistiques précises sur le phénomène et l’amélioration de la détection des risques dans cet environnement hospitalier doivent être des priorités. Cela concerne bien sûr tous les usagers des institutions, mais en psychiatrie comme dans d’autres services où il y a une population vulnérable (pédiatrie, gériatrie, gynécologie-obstétrique…), il est encore plus capital d’assurer un environnement sûr et sain.

 

Référence :

Betterly H,Musselman M, Sorrentino R. Sexual assault in the inpatient psychiatric setting. General Hospital Psychiatry 2023, 82:7-13.

Schlup N, Gehri B, Simon M . Prevalence and severity of verbal, physical and sexual inpatient violence against nurses in Swiss psychiatric hospitals and associated nurse-related characteristics : a cross sectional multicentre study. In J Ment Health Nurs 2021;30(6):1550-63.

 

 

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Posted by Sandrine Tinland

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